ENGLISH
SCULPTURE ET ECONOMIE CIRCULAIRE:

Dans une recherche de cohérence et un souci toujours présent de mon impact environnemental, je taille mes sculptures dans des blocs de marbre, granits et albâtres voués à la benne. Souvent ce sont d’anciennes pierres tombales, des pierres oubliées ou des blocs dits «de rebut». Cela demande bien sûr un savoir-faire très spécifique car ce sont des pierres qui ont souffert du temps, de chocs, des intempéries… mais c’est pour mois un choix tant étique que technique et esthétique. # REUSE-REDUCE-RECYCLE

Principales Expositions:
Bâle - Paris - Milan - Barcelone - Monaco - Rotterdam.

DEMARCHE ARTISTIQUE

2019 - 2021 - Oser briser le marbre et en faire jaillir l’émotion.

Le Covid a été pour moi un catalyseur, un électrochoc. Pour oublier la solitude, pour oublier la peur, je plonge encore plus avant dans la sculpture. Car d’un coup, j’avais 2 options, rester chez moi, dans une extrême solitude, et ça me semblait dangereux pour ma santé émotionnelle, ou descendre à l’atelier, oublier le monde et plonger. Oser ce qui mûrissait depuis longtemps. Oser le Sacrilège ultime: Oser briser le marbre!
Depuis longtemps je me demandais: comment mettre en scène les limites de nos systèmes intérieurs, comment mettre en scène les interactions entre l’impact de l’être humain sur la planète et le mal-être de notre société, notre propre mal-être. Car ce virus, et surtout le confinement, a montré à chacun les limites de nos systèmes personnels, ce sans quoi il était facile de vivre (pas fait de shopping pendant des mois, et alors!) et ce sans quoi il était impossible de vivre vraiment (pas serré dans mes bras un autre être humain pendant des mois, quel manque!). Il nous a aussi montré combien la nature avait besoin de reprendre ses droits et combien elle était capable de le faire quand nous les humains levions le pied. Vous souvenez-vous de combien les oiseaux chantaient fort? De combien les étoiles étaient brillantes? De ce serrement de cœur dans nos poitrines chaque soir à nos fenêtres?
Pour exprimer cela, j’avais besoin d’un concept: En mettant face à face, ou plutôt en imbriquant, des marbres brisés (ou plutôt destructurés suivant la façon dont se fissurent les sols du fait de la sécheresse) avec des émotions humaines: j’interroge, j’exprime ce mal-être.
Mais c’est plus qu’une interrogation esthétique, j’y allie aussi une interrogation technique en recyclant des marbres voués à être concassés.

Sculpture et Economie Circulaire: C’est possible!
Je crée la très grande majorité de mes sculptures dans des marbres recyclés. Souvent ce sont d’anciennes pierres tombales vouées à la benne. D’autre fois ce sont des restes de plaques rachetées à des marbriers de la région. Ainsi Sculpture et Economie circulaire devient chose possible!
Ces marbres ont 300 millions d’années, moi, en ayant de la chance, je vivrai 100 ans. Puis-je accepter qu’ils «aillent à la benne»? En sculptant ces pierres tombales, en retravaillant ces plaques, je les sublime et leur redonne du sens et je remets aussi en question notre société de surconsommation. Car aujourd’hui, pouvons-nous encore accepter que le recyclé soit «moins» que le neuf (moins bien, moins beau, moins luxueux, moins chic…)? Je revendique la beauté de ces pierres. Je revendique qu’elles sont même encore plus belles d’avoir une 2ème vie! Et si même le marbre peut être recyclé, réutilisé, n’y a-t-il pas dans d’autres domaines d’autres solutions à imaginer et auxquelles nous n’avons pas encore pensé ?
Et c’est aussi une interrogation sur ma propre vie. Nous aurons tous eu «plusieurs vies» dans notre vie. Une deuxième vie signifie-t-elle l’échec de la première? Une deuxième histoire d’amour peut-elle être tout aussi belle qu’une première? Ne pourraient-elles pas être chacune aussi belles, aussi fortes, aussi magiques et juste différentes? Le recyclage ou plutôt l’upcyclage est une thématique que je travaille depuis de très nombreuses années. Déjà, en 1997, j’explorais cette notion avec mes collections de vêtements en éléments métalliques recyclés. En cela j’ai été pionnière, ne le suis-je pas encore aujourd’hui?

Veinure et affinité entre marbre et peau.
La veinure du marbre est l’une de mes obsessions, car elle est pour moi comme celle de notre corps, juste en dessous de la peau. C’est elle qui porte la vie dans nos corps. C’est elle qui va me toucher dans une pierre.
L’artère qui conduit mon travail c’est l’émotion que j’exprime à travers cette sculpture. C’est ce besoin de lui donner un sens. C’est comme si la sculpture était pour moi un autre langage, un outil me permettant d’appréhender le monde.
Mais la veinure est secrète. L’instant magique où elle se révèle à l’endroit pressenti, ne se produit qu’après des semaines de travail. Car son chemin est sous-jacent. Il est donc quasiment impossible à percevoir pour l’autre. Comment expliquer que l’on recherche quelque chose d’invisible? Moi, je la sens sous mon ciseau, mais surtout je l’entends. Car chaque changement de couleur est un changement de densité et donc de sonorité. Et même si partir à sa recherche va impliquer un travail un peu plus lent, il en sera d’autant plus sensible.
Mais c’est un temps dur, émotionnel, qui ne se partage pas, car il est presque impossible à expliquer. Puis, au début du polissage, la veine devient enfin visible à l’oeil, la magie du projet s’écrit et je peux enfin parler. Je travaille généralement avec des marbres peu usuels en statuaire. Je vais chercher des pierres qui ont une histoire à raconter. Il existe des centaines de marbres différents mais on les oublie souvent en faveur d’un seul, le Blanc de Carrare statuaire. Pourtant tous ont leur beauté, leur histoire à raconter, leurs forces, leurs failles aussi. Peut-être est-ce pour cela que je n’ai jamais travaillé un bloc de statuaire.

Ma façon de travailler...
Je dis souvent que je rêve mes sculptures, mais ce n’est pas tout à fait ça. Le temps de la sculpture sur pierre est lent. J’ai besoin d’apprivoiser chaque bloc, et quand je travaille sur une oeuvre, sur une autre sellette, un autre bloc attend. Il sera ma prochaine sculpture. Mais avant de commencer à le travailler j’ai besoin d’apprendre à le connaître, de tourner autour, le regarder, chercher ses veines, ses fragilités, l’écouter, le humer presque. Et pendant que je travaille sur la sculpture d’aujourd’hui, je suis en train d’appréhender la suivante.
Et puis… pour aboutir à un bel adouci sur un marbre, c’est long, on pourrait presque dire que c’est fastidieux, mais c’est aussi un temps important car le poli révèlera ou brulera la pierre. Et ces longues heures de polissage, sont mes heures les plus créatrices. C’est à ce moment que je laisse mon esprit s’évader et rêver, construire la prochaine sculpture, la faire tourner dans mon esprit afin d’en voir toutes les facettes, et puis revenir à l’instant présent, m’approcher de ma prochaine pierre et commencer le dialogue avec elle. J’appelle cela un dialogue car si mon «rêve» est précis, il sera d’autant plus beau qu’il sera en accord avec la pierre d’où il émerge. Je cherche à ce que le rêve sublime la pierre et à ce que la pierre à son tour sublime le rêve et non à imposer mon rêve à une quelconque pierre.
Je travaille ainsi presque en état modifié de conscience. Et pour chaque sculpture un morceau de musique tourne en boucle dans mes écouteurs. Cela m’aide à atteindre et à garder le niveau de concentration et d’émotion nécessaire.

Symbiose entre pierre et sculpture
Je ne suis pas à la recherche juste d’une sculpture, je suis à la recherche de la symbiose entre sculpture et pierre. Pour moi pierre et sculpture ne devraient plus faire qu’un, une chose unique et nouvelle. Il y a presque un côté gestationnel. De deux entités différentes, la pierre et mon projet, naîtra une nouvelle entité, comme un aboutissement de l’une et de l’autre. Pour cela il me faut oser faire face à la matière, dans le respect d’elle et de moi. Travailler en affinité avec la pierre et pas contre la pierre, à l’image de cette veine qui arrive au coin de l’oeil de ma sculpture et figure comme une larme.
A mon sens ma sculpture est un compromis entre l’abstrait et le figuratif, entre la tradition et la modernité, entre un presque académisme du réalisme et la modernité de l’émotion… Mais en y réfléchissant mieux, je crois que plus que d’un compromis, ma sculpture parle avant tout de dualité. Car pour moi la dualité est l’une des caractéristiques de l’être humain, le beau parfait comme le mal absolu n’existent pas, le noir sans le blanc ne serait rien, le rire sans les larmes n’aurait aucune valeur, et je suis à la recherche d’un équilibre entre toutes ces notions, un équilibre fragile, bien sûr, mais un équilibre vital.
Et à l’image de cette dualité, je travaille dans 2 ateliers différents, l’un officiel, dans lequel j’enseigne ou montre mes oeuvres, l’autre plus secret, c’est mon antre. C’est là que je taille mes pierres, là que j’explore, seule face au caillou. J’ai besoin de cet espace de solitude, comme en-dehors du monde. Et je navigue entre ces 2 ateliers, entre ces 2 façons de mon être.

2009 - 2018 - A la recherche d'instants d'éternité.

Je ne vous apprendrai rien si je vous dis que, si le temps en lui même est mesurable, la notion de temps, du temps écoulé, est, elle, très variable. Quand certains instants semblent durer des heures, certaines heures semblent n'avoir duré qu'un instant et d'autres semblent ne devoir jamais arriver.

Et puis, il y a ces quelques instants dans une vie, où le temps semble s'être comme arrêté, où il semble comme suspendu. Vous venez de vous arrêter, totalement pris dans la contemplation de… … Mais êtes-vous là depuis un instant ou bien une heure? C'est un instant d'absolu, en dehors du temps «normal», de la vie «normale». Il y avait l'avant, il y aura l'après et, séparé d'une frontière presque palpable, il y a «cet» instant, qui est comme une évidence. Cet instant absolu où tout est possible. Le meilleur comme le pire. Voici ce que j'appelle des «instants d'éternité».

Et, même si cela semble bien ambitieux, je voudrais arriver à vous placer, ne serait-ce qu'un instant dans cet espace d'absolu. Que vous vous perdiez dans la contemplation, ou plutôt l'appréhension de la sculpture. Qu'une relation se crée entre Elle et Vous, et cela, presque indépendamment de moi, l'artiste. Vous vous êtes arrêté à La contempler. Mais êtes-vous là depuis un instant ou bien une heure?

La vie, le mouvement, ce point où tout est possible.

Je travaille sur l'instant d'équilibre, ou plutôt l'instant de déséquilibre, l'instant où tout est possible. C'est le crayon en équilibre sur un doigt, tombera-t-il ou restera-t-il en équilibre? et Elle? la Sculpture, se retournera-t-elle vers moi ? ou au contraire me tournera-t-elle le dos? Est-elle douce? ou bien terriblement tendue? Est-ce un instant d'extase? de plaisir ou de douleur? Et d'ailleurs, cette sculpture, doit-elle être placée à l'horizontale ou à la verticale? sur fond noir ou sur fond blanc?

Et, ne sommes-nous pas, nous aussi, un peu comme cette sculpture? Jamais totalement bien ni totalement mal, jamais entièrement heureux ni entièrement malheureux. Dans les instants les plus beaux, il y a toujours derrière, le souvenir des moins beaux, et dans les plus tristes, il reste toujours une lueur. Nous sommes comme des funambules, et je voudrais que ma sculpture reste en équilibre sur un fil ténu d'émotion, de sensation, de mouvement…

C'est le vent dans les jupes de la Victoire de Samothrace, c'est le cri de Munch, c'est Saturne dévorant ses enfants, C'est le geste du Pierre de Wissant de Rodin, cette main suspendue dans l'air pour l'éternité. Mais c'est aussi le genou du Moise de Michel Ange, prêt à reprendre son chemin après un fugitif instant de repos. Arriver à capter cet instant en mouvement, cette illusion ou idée de mouvement. Ce geste, cette expression qui n'est pas encore «ici» et qui n'est déjà plus «là».

Le Temps, l'Art.

Oui, peut-être est-ce simplement que la notion de temps m'obsède… car je ne la comprends pas tout à fait. Qu'est-ce que «dans 5 ans»? cela semble si loin du réèl... Et, pourtant je considère le temps comme un outil, outil pour cicatriser ses blessures, pour élaborer, pour comprendre, pour apprendre aussi.

Je passe et repasse cent fois sur la même courbe, aujourd'hui que la terre est mouillée, dans 2 semaines quand elle sera sèche, dans 2 mois sur la céramique définitive, m'arrêtant car j'ai enfin trouvé «La» courbe, tendue comme une corde, ou douce comme un sourire. Il faut s'arrêter! elle vibre maintenant! et pourtant demain, il me semblera que j'aurais pu aller plus loin.

Plus loin, toujours plus loin car, n'est-ce pas la vocation de l'œuvre d'art que d'arriver à créer une connexion entre elle, l'œuvre, et le «je-ne-sais-quoi» qui fait que nous soyons des êtres humains, qui nous rassemble et va au-delà de la science? L'Art, c'est quand l'œuvre vit de façon presque indépendante à l'artiste, quand une relation se crée entre l'œuvre et celui qui l'approche, sans que soit nécessaire une explication, une entremise quelconque.

C'est quelque-chose qui se passe entre Vous et Elle.

Retour →